La Journée internationale de l’Avortement Sécurisé nous donne une excellente occasion de réfléchir à la nécessité d’un mouvement mondialement connecté pour la justice reproductive.
Après tout, les forces qui cherchent à restreindre notre autonomie corporelle sont mondialement connectées. Notre résistance doit également dépasser les frontières géographiques et politiques.
Les acteurs mondiaux travaillent dur pour réduire nos libertés reproductives.
- Des« centres de grossesse de crise » soutenus par les États-Unis et ayant un programme anti-avortement se sont avérés proposer des informations erronées à travers l’Europe, l’Afrique et l’Amérique latine. L’organisation « Heartbeat », basée dans l’Ohio, prétend avoir des affiliés dans plus de 971 endroits en dehors des États-Unis, « sur tous les continents habités ».
- Le groupe espagnol Citizen Go, a des liens avec des acteurs d’extrême droite aux États-Unis et en Russie, et milite contre le droit à l’avortement sécurisé, la contraception, l’éducation sexuelle et les droits LGBT+ dans plusieurs pays africains.
- Des entreprises technologiques basées aux États-Unis, comme Meta et Tik Tok, se sont révélées censurer des contenus en ligne sur l’Avortement sécurisé suite à l’annulation de Roe Vs Wade.
- Les gouvernements autoritaires ferment les ONG et limitent les organisations de la société civile qui travaillent sur des questions sociales. Rien que cette année, trois partenaires SAAF ont été contraints de se désenregistrer en tant qu’organisations. Une poignée d’autres organisations sont confrontées à une menace similaire pour leur travail.
Mais nous ne les laisserons pas gagner.
Le mouvement mondial pour le droit à l’avortement est inarrêtable. Comme nous l’avons écrit l’année dernière, « des avortements continuent de se produire, même dans les contextes les plus difficiles, parce qu’un nombre suffisant de personnes courageuses et engagées décident d’agir pour ce qui est juste. » Nos luttes sont liées, mais il en va de même pour notre pouvoir et notre capacité à revendiquer un espace.
De nombreux activistes mondiaux se connectent en ligne et mettent en lumière des questions sociales qui ne sont pas couvertes efficacement par les médias grand public. Le potentiel radical des jeunes qui partagent des contenus en faveur de la Palestine, des campagnes antiracistes et de l’Avortement sécurisé, a figuré dans la discussion sur l’interdiction de TikTok aux États-Unis.
L’avortement est un sujet stigmatisé, et travailler sur la justice reproductive peut donc isoler. Créer des espaces de confiance, en ligne et hors ligne, où les militants peuvent se rencontrer est donc vital pour notre travail et notre moral.
Lorsque nous nous unissons en tant que mouvement international, nous sommes plus forts.
L’histoire du militantisme pour le droit à l’avortement est celle d’une collaboration et d’une organisation transnationales. En fait, la « Journée internationale de l’Avortement sécurisé » a été lancée par un groupe mondial de féministes en 1990 :
« C’était cathartique. Il y avait un consensus. Il y avait beaucoup de leaders latino-américains, des femmes venant de nombreux endroits. Cela nous a remplies d’énergie. »
Plus de 3000 personnes y ont participé et la date du28 septembre a été proposée par les femmes brésiliennes comme significative :
« Ce jour-là, en 1871, le Brésil avait adopté la “loi du ventre libre” accordant la liberté aux enfants nés d’esclaves. « Pour nous, la liberté de l’utérus, c’était l’avortement libre. »
Les participants à la réunion ont également appris l’utilisation du Misoprostol, développé à l’origine comme traitement des ulcères d’estomac, pour interrompre les grossesses. Cette « découverte » des féministes brésiliennes est aujourd’hui couramment utilisée dans le monde entier. Le médicament a fini par être inclus dans la liste des médicaments essentiels de l’OMS en 2005.
Les féministes s’inspirent mutuellement et partagent des tactiques efficaces.
À l’échelle mondiale, on observe une tendance écrasante à la libéralisation des lois sur l’avortement.
En 2020, le monde a regardé l’Argentine légaliser l’avortement sur demande jusqu’à 14 semaines de grossesse. Il s’agit d’une énorme victoire pour les féministes, et le changement a été mené par le mouvement « Marea Verde/Vague Verte ». Les techniques utilisées par ce mouvement pour plaider en faveur de l’accès à l’Avortement sécurisé ont depuis été adoptées par d’autres activistes du monde entier, qui étaient remplis d’espoir de voir un pays majoritairement catholique introduire l’Avortement légal.
Par exemple, les foulards ‘pañuelo verde’ adoptés pour la première fois par les féministes argentines en 2003 sont désormais un symbole mondialement reconnu de l’activisme en faveur des droits reproductifs :
« La dimension transnationale du foulard lui confère un poids symbolique plus important et permet aux activistes de puiser leur force dans les mouvements d’autres pays. »
Des féministes polonaises et argentines ont collaboré pour organiser une grève internationale des femmes, inspirée par la grève des femmes polonaises contre les restrictions à l’avortement en 2016 :
« Il y a toujours des conditions différentes, politiques, historiques, culturelles, mais il y a toujours quelque chose qui peut être copié ».
SAAF crée des espaces de collaboration et de connexion.
Nous sommes honorés de pouvoir apporter un soutien financier et logistique à un mouvement mondial florissant pour le droit à l’avortement. SAAF accorde des Subventions, mais nous pensons également qu’il est de notre devoir d’encourager les relations permanentes entre les activistes dans ce domaine.
À cette fin, nous disposons d’un groupe de discussion en ligne fermé où tous nos organisations partenaires financées, passées et présentes, peuvent partager des informations et des réussites. Nous organisons également des réunions en ligne et en personne avec interprétation linguistique afin que les personnes de différentes régions puissent interagir et apprendre les unes des autres.
Ces interactions nous ont permis de voir naître de nombreuses initiatives trans-mondiales inspirantes. Par exemple, après avoir vu un document de recherche sur la dépénalisation de l’avortement au Brésil lors d’un Sommet du Mondial du SAAF, une organisation du Malawi a créé le sien, qu’elle utilise toujours dans des contextes de plaidoyer. Des organisations en Indonésie et au Kenya ont récemment entamé des discussions pour améliorer la sensibilisation des personnes handicapées à l’aide à l’avortement.
Nous sommes ravis de voir le mouvement mondial pour l’avortement gagner en force et en nombre, et nous sommes fiers de jouer un petit rôle en aidant à créer des liens.
Par Laura Hurley, responsable de la communication au Fonds d’Action pour l’Avortement Aécurisé (SAAF).