Le 5 novembre 2024, il a été annoncé que Donald Trump deviendrait à nouveau président des États-Unis. Nous avions alors écrit un article sur les répercussions probables de cette présidence pour celles et ceux qui travaillent de par le monde sur la santé et les droits sexuels et reproductifs. En effet, chaque président républicain depuis 1984 a mis en place la politique de Mexico, ou « règle du bâillon mondial », qui restreint le financement des organisations qui soutiennent ou pratiquent l’avortement. Et Trump a déjà démontré de bien des façons qu’il n’est pas un partisan des droits des femmes et des libertés reproductives.
En novembre dernier, nous avions également envoyé un sondage en ligne à tous nos partenaires bénéficiaires, pour leur demander s’ils pensaient que cela aurait un impact sur leur travail, et si oui, comment. Dans ce billet, nous partageons certaines de leurs réponses.
La majorité des organisations soutenus par le SAAF qui ont répondu au sondage nous ont dit qu’elles pensaient que la présidence de Trump aurait un impact sur leur travail.
Sans surprise, l’impact ne sera pas positif. Nous avons reçu des réponses d’organisations d’Amérique latine, d’Afrique, du Moyen-Orient et d’Asie, et une seule personne a répondu « non » lorsqu’on lui a demandé si elle pensait que la nouvelle présidence américaine aurait un impact sur son travail.
Les organisations ont partagé leurs perspectives sur la façon dont elles pensaient que leur travail pourrait être rendu plus difficile :
- Justification des politiques anti-droits :
« Dans {notre pays}, les autorités ont tendance à se référer à des puissances mondiales comme les États-Unis, la France, la Grande-Bretagne et l’Allemagne pour justifier des décisions politiques qui soutiennent leurs propres intérêts politiques et personnels. Nos autorités ont tendance à rejeter les demandes de mise en œuvre des droits de l’homme… elles n’hésitent pas à se référer aux décisions de ces puissances mondiales pour justifier leur position politique. » AFRIQUE CENTRALE
- Augmentation de la stigmatisation de l’avortement :
« La stigmatisation de l’avortement augmentera. Le gouvernement renforcera ses arguments contre l’avortement en citant que l’Amérique, un pays développé, dit aussi non à l’avortement. » AFRIQUE DE L’EST
- Un mouvement anti-choix enhardi :
« D’après nos observations, il n’y avait au départ aucune activité pro-vie directe dans {notre pays}, mais le mois dernier, un groupe pro-vie a organisé une manifestation de masse contre la politique de l’avortement sécurisé. Ils manifestaient également contre le mariage homosexuel, et la reconnaissance légale de la communauté LGBT+. Nous pensons qu’il est possible que ces groupes reçoivent davantage de fonds, ce qui pourrait avoir une incidence directe sur le travail de sensibilisation que nous avons effectué au sein des communautés. » ASIE DU SUD
- Impact négatif sur le plaidoyer en faveur des droits de l’homme :
« La règle du bâillon nous ramène des décennies en arrière ; s’engager dans des processus nationaux devient de plus en plus difficile et occuper des espaces régionaux et mondiaux comme les conférences devient difficile sans financement. » ASIE DU SUD
- Impossibilité de fournir des soins d’avortement sécurisés :
« Nous pourrions cesser de recevoir des fonds de certaines organisations qui nous permettent d’acheter des médicaments et de fournir des services d’avortement au niveau communautaire, ce qui rendrait notre pérennité en tant qu’organisation plus compliquée. Cela pourrait signifier que nous ne serions pas en mesure de répondre à la demande croissante que nous avons connue ces dernières années, laissant les gens sans possibilité de bénéficier de services sécurisés, ce qui pourrait à nouveau augmenter le nombre d’avortements à risque. » AMÉRIQUE CENTRALE
Les organisations ne savent pas encore comment ce changement affectera leur financement.
De nombreuses personnes interrogées s’inquiètent d’une réduction importante de leur financement. Certaines, qui ne reçoivent pas de fonds américains, s’inquiètent néanmoins d’une concurrence accrue pour les fonds qui soutiennent le travail sur l’avortement.
« Pour l’instant, nous n’avons aucun financement qui sera affecté par cette loi, mais nous sommes préoccupés par l’effet d’entraînement qu’elle ne manquera pas de générer dans toutes les organisations travaillant sur les DSSR…. Nous devons entrer en compétition pour obtenir l’un des rares fonds disponibles pour ce travail. » AMÉRIQUE DU SUD
« Nous estimons à 75 % la réduction du financement de notre travail. » AFRIQUE DE L’EST
« Plus de 60 % de notre soutien financier provient de donateurs étrangers, principalement ceux financés par les États-Unis… Cette perte potentielle compromettra gravement notre capacité à fournir des soins d’avortement sécurisé, des actions de plaidoyer et des services connexes aux femmes et aux filles vulnérables ». AFRIQUE DE L’OUEST
Les militants de l’avortement sont pleins de ressources et résilients, mais une présidence Trump a sans aucun doute un impact négatif sur leur travail.
Il est extrêmement probable qu’une des premières choses que Donald Trump fera lorsqu’il prendra ses fonctions sera de bloquer l’aide américaine aux organisations qui travaillent sur le droit à l’avortement ou qui le soutiennent. L’impact dévastateur que les itérations précédentes de cette politique ont eu sur la santé mondiale (et pas seulement sur les soins liés à l’avortement) a déjà été bien documenté.
Il est déchirant de constater qu’à travers les pays du Sud, ainsi qu’aux États-Unis, la vie des gens sera affectée négativement par les restrictions à l’avortement, la suppression des financements et l’augmentation de la stigmatisation.
Nous avons l’intention de poursuivre la conversation avec nos organisations partenaires et de leur apporter autant de soutien et de partage d’informations que possible. En attendant, nous sommes heureux de pouvoir continuer à financer directement des initiatives courageuses sur l’avortement, qui peuvent sauver des vies.
« J’ai toute confiance dans le fait que nos donateurs actuels n’abandonneront pas, et en fait, c’est un grand défi que nous avons à relever et nous devons le faire. Nous sommes déterminés à aider les femmes et les filles qui ont besoin d’un avortement sécurisé dans nos communautés. » AFRIQUE DE L’OUEST
Par Laura Hurley, responsable de la communication au Fonds d’action pour l’Avortement Sécurisé (SAAF).
Image : COHERINET, partenaire du SAAF : « Parfois, nous avons besoin d’un avortement pour survivre ».