Au Cameroun, l’éducation sexuelle complète (ESC) n’est pas enseignée dans les écoles. Cela signifie que de nombreux jeunes manquent de connaissances, de compétences et d’attitudes essentielles pour gérer leur sexualité en développement et établir des relations saines. De nombreuses adolescentes ne comprennent pas leur corps et ne peuvent pas prendre de décisions éclairées concernant leur santé sexuelle.
La crise anglophone en cours ne provoque pas seulement le déplacement de centaines de milliers de personnes. Elle crée également une prévalence alarmante de violences sexuelles liées aux conflits, où le viol est utilisé comme arme de guerre. Cela entraîne une augmentation des grossesses chez les adolescentes. On ne saurait trop insister sur la nécessité pour les adolescentes d’acquérir des connaissances en matière de santé sexuelle et reproductive.
Le manque d’éducation et de soutien en matière de sexualité a des conséquences très réelles.
Faith (pas son vrai nom), onze ans, est décédée parce qu’on lui a refusé l’information et le contrôle de son propre corps. Elle a été violée, est tombée enceinte et a contracté le VIH.
La petite Faith n’a pas compris les changements survenus dans son corps après le viol et n’a donc pas cherché d’aide. Ses parents ont dissimulé le viol par peur de la honte et de la stigmatisation de la famille. Ni eux ni Faith n’étaient au courant du droit à des soins d’avortement sécurisés.
Au fur et à mesure que la grossesse avançait, Faith a été expulsée de la communauté et abandonnée dans un service de santé de district où elle était à la merci des bénévoles de la communauté. Elle a accouché d’un enfant mort-né et a également développé une dépression. Elle est décédée le 11 février 2025, alors que ses pairs célébraient la Journée nationale de la jeunesse, une journée réservée à la jeunesse au Cameroun.
Faith n’est qu’un exemple parmi tant d’autres de filles et de femmes victimes de violences masculines, d’un manque de soutien et de services et d’informations en matière de santé reproductive.
Les victimes de viol ont légalement le droit à l’avortement au Cameroun.
La loi camerounaise sur l’avortement autorise l’avortement légal sous certaines conditions, notamment lorsque la grossesse résulte d’un viol. Cependant, à CYJULERC, nous avons observé que malgré l’augmentation des viols dans les régions en crise, les personnes concernées ne connaissent pas la loi et les victimes de viol ne font pas valoir leur droit légal à l’avortement sécurisé.
Le fait que le viol et l’avortement soient encore des sujets très sensibles au Cameroun pousse les adolescentes et leurs parents à dissimuler les grossesses par crainte de stigmatisation de la famille.
CYJULERC informe les adolescentes et leurs parents de leur droit à l’avortement légal et sécurisé.
Avec le soutien du SAAF, CYJULERC intensifie l’éducation sexuelle complète (ESC) auprès des adolescentes des communautés touchées par les conflits au Cameroun. Nous les encourageons à s’exprimer et à se rendre dans des établissements de santé partenaires dès que possible. Nous les informons de leur droit à l’avortement sécurisé en cas de grossesse résultant d’un viol.
CYJULERC informe également les parents sur l’avortement en tant que service de santé important autorisé par la loi au Cameroun. Les sensibiliser à l’importance des soins d’avortement pour les adolescentes afin de protéger leur santé, leur permettre de poursuivre leurs études, de trouver un emploi et d’améliorer leur bien-être.
CYJULERC forme également les travailleurs de la santé aux soins de santé physique et mentale pour les victimes de viol.
CYJULERC travaille en partenariat avec des établissements de santé locaux et forme des prestataires de soins de santé à fournir des soins et des services d’avortement sans jugement aux femmes et aux filles. CYJULERC forme également les prestataires de soins de santé aux soins de santé mentale essentiels.
Nous gardons l’espoir qu’avec l’intensification de l’éducation sexuelle complète chez les adolescentes déplacées à l’intérieur du pays et l’expansion des activités à davantage de communautés touchées par les conflits, des cas comme celui de Faith seront évités. Nous nous efforçons de faire en sorte qu’un plus grand nombre d’adolescentes et de parents soient informés pour pouvoir faire des choix éclairés et avoir accès à des soins et des services d’avortement lorsqu’ils en ont besoin.
Nous appelons le gouvernement à élaborer et à promouvoir une éducation sexuelle complète et adaptée à l’âge dans les écoles du Cameroun, afin de changer des vies et de sauver des vies.
Par Esther Ayuk, présidente du Centre de ressources juridiques des jeunes juristes du Cameroun (CYJULERC), partenaire du SAAF au Cameroun.