L’avortement sauve des vies (de plusieurs façons) 

Le thème de la Journée internationale pour l’avortement sécurisé de cette année est « L’avortement sécurisé est un soin de santé qui sauve des vies ». 

Les organisations financées par le SAAF sauvent sans aucun doute des vies grâce à leur travail en faveur de l’avortement sécurisé. 

Je lis régulièrement les rapports de nos partenaires bénéficiaires qui soulignent la réduction des taux de mortalité liés aux avortements pratiqués dans des conditions dangereuses grâce à la mise en place de services d’avortement sécurisé. Par exemple, RuWCED, qui travaille dans une zone de conflit au Cameroun, a partagé cette information provenant d’une des autorités sanitaires avec lesquelles elle collabore : 

« Avant qu’on commence ce travail, il y avait chaque mois des rapports disant qu’au moins 1 à 3 femmes ou jeunes filles mouraient d’un avortement dangereux dans le district de santé. Ça fait maintenant plus d’un an que je n’ai pas vu de rapport disant qu’une femme est morte à cause d’un avortement à risque. » 

La vérité est simple : lorsque l’avortement sécurisé est disponible, il sauve des vies. Mais allons plus loin. Les avortements sécurisés ne sauvent pas seulement des vies en prévenant les décès dus à des méthodes dangereuses, ils peuvent également « sauver » les projets de vie des femmes, des filles et des autres personnes qui en ont besoin. 

Parfois, nous avons besoin d’un avortement pour survivre, certes, mais nous avons également besoin d’avortements pour nous épanouir. 

L’avortement sécurisé permet aux femmes de rester en vie, mais il les aide également à vivre. 

Que veut dire “sauver une vie” ? Quand une personne offre des soins d’avortement, elle propose souvent une alternative sûre à des méthodes dangereuses comme introduire des bâtons dans l’utérus ou avaler de la lessive pour interrompre une grossesse. Beaucoup de défenseurs de l’avortement avec qui nous travaillons disent avoir connu des femmes qui ont perdu la vie de cette façon. 

Et celles qui se voient refuser des options d’avortement sécurisé ne risquent pas seulement de mourir à cause de méthodes d’avortement dangereuses. Une étude récente menée aux États-Unis a révélé que «les restrictions en matière d’avortement pourraient avoir augmenté le risque de suicide chez les femmes âgées de 20 à 34 ans ». 

En offrant la possibilité d’interrompre une grossesse en toute sécurité, nous pouvons éviter des décès inutiles et des dommages physiques qui entraînent une hospitalisation et parfois des handicaps à vie et l’infertilité. Mais nous pouvons également sauver une vie en permettant à cette personne de vivre la vie qu’elle a choisie. Pour terminer ses études, échapper à une relation violente, réussir dans la carrière qu’elle a choisie. Être heureuse, vivre la vie qu’elle désire. Pour moi aussi, c’est une vie “sauvée”. 

Comment ceux qui bloquent l’accès à l’avortement osent-ils se qualifier de « pro-vie » ? 

Bloquer l’accès à l’avortement sécurisé tue des femmes et leur cause des dommages de multiples autres façons – physiques, logistiques et émotionnels. Nous le savons. 

L’étude « Turnaway Study » a révélé que les personnes qui se voient refuser l’accès à l’avortement sont plus susceptibles de souffrir de complications graves après leur grossesse et d’une mauvaise santé physique pendant des années. Elles sont plus susceptibles de souffrir d’anxiété et d’une faible estime de soi. Elles sont plus susceptibles de rester liées à des partenaires violents et moins susceptibles d’avoir des projets de vie ambitieux pour l’année à venir. 

Comment cela peut-il être « pro-vie » ? Ce n’est certainement pas « pro » la vie de la personne qui souhaite avorter. Mais l’argument est que l’interdiction de l’avortement « protège les enfants à naître ». Sauf que l’étude Turnaway a également révélé que le refus de l’avortement a de graves conséquences pour les enfants nés d’une grossesse non désirée, ainsi que pour les enfants déjà présents dans la famille. Ces enfants présentent un développement moins bon et sont plus susceptibles de vivre en dessous du seuil de pauvreté. 

Bien que certaines des voix les plus virulentes contre le droit à l’avortement sécurisé proviennent des États-Unis, il a été démontré que les interdictions introduites dans ce pays sont en fait associées à une augmentation de la mortalité infantile, ainsi qu’aux « décès liés à la grossesse ». 

L’avortement sauve des vies, mais nous ne devrions pas avoir à mourir pour y avoir accès. 

Presque tous les pays où l’avortement est autorisé prévoient des restrictions à son accès. Les lois les plus restrictives en matière d’avortement n’en prévoient souvent qu’une seule : lorsque la vie de la personne enceinte est en danger. Selon le Center for Reproductive Rights, 20 % des femmes en âge de procréer vivent dans un pays où l’avortement n’est autorisé que pour sauver la vie d’une personne

Mais comme nous l’avons vu très clairement dans le cas de Savita Halappanavar en Irlande, cette exception ne sauve pas toujours la vie de la personne enceinte. En 2012, Savita s’est vu refuser ce qui aurait été un avortement salvateur. Le consultant a confirmé que Selon la loi en Irlande, s’il n’y a pas de preuve d’un risque pour la vie de la mère, nous ne pouvons rien faire tant qu’il y a un battement de cœur fœtal. 

En conséquence, Savita est décédée d’une septicémie. Son cas tragique a rappelé de manière frappante que les restrictions en matière d’avortement entraînent des pertes de vies humaines, même dans les pays où l’avortement est largement accessible et légal. L’obligation légale de ne pratiquer un avortement que lorsque la vie est en danger est non seulement immorale, mais aussi inapplicable. Heureusement, le public irlandais l’a compris et, en 2018, a voté en faveur de l’abrogation du huitième amendement, qui interdisait presque totalement l’avortement

Oui, l’avortement sauve des vies. Il change aussi des vies.  

Nous devrions pouvoir mettre fin à une grossesse pour nos propres raisons, et pas seulement lorsque notre vie est en danger immédiat. Nous avons le droit de choisir si et quand nous voulons avoir des enfants, et quel genre de vie nous voulons mener, quelles que soient les circonstances. D’une certaine manière, cela semble encore être une proposition radicale dans une grande partie du monde. Le SAAF est solidaire aujourd’hui, et chaque jour, de celles et ceux qui ont le courage de se battre pour le droit à l’avortement et notre droit non seulement à survivre, mais aussi à nous épanouir. 


Par Laura Hurley, responsable de la communication pour le SAAF. 

Crédit image : partenaire SAAF COHERINET, en Ouganda: « Parfois nous avons besoin d’un avortement pour survivre »