Le nouveau Code pénal indonésien renforce les dispositions relatives à l’avortement mais menace la démocratie et les droits de l’homme

Après plusieurs années de débats intenses et de multiples versions, le nouveau Code pénal indonésien a été ratifié le 6 décembre 2022. Il remplace le précédent Code pénal, qui était un héritage de la période coloniale néerlandaise et qui avait désespérément besoin d’être mis à jour pour s’adapter aux temps modernes.

De manière positive, le plaidoyer de la société civile a permis de renforcer les dispositions relatives à l’avortement dans le Code. Les femmes enceintes peuvent désormais avoir accès à l’avortement jusqu’à 14 semaines de grossesse, mais uniquement en cas de viol, d’agression sexuelle ou d’urgence médicale. Auparavant, l’avortement n’était disponible que jusqu’à six semaines après les dernières règles de la femme enceinte, ce qui signifie que les nouvelles dispositions alignent l’Indonésie sur les normes de l’Organisation Mondiale de la Santé en matière de gestation. La disposition relative aux « agressions sexuelles » est également un ajout ; le précédent Code pénal ne mentionnait que le viol et l’urgence médicale. Il s’agit d’une évolution importante, même si, dans l’idéal, nous aimerions que les situations dans lesquelles les gens peuvent avoir accès à l’avortement soient encore élargies.

Dans l’ensemble, cependant, l’avortement reste illégal dans la plupart des situations en Indonésie.

Les personnes qui ont accès à l’avortement en dehors des situations susmentionnées risquent une peine de prison pouvant aller jusqu’à quatre ans (article 463). Les personnes fournissant des soins d’avortement peuvent également être condamnées à une peine allant jusqu’à cinq ans de prison si la femme a consenti à l’avortement, ou jusqu’à 12 ans si elle n’a pas consenti (article 464). Les médecins, sages-femmes, paramédicaux et pharmaciens qui pratiquent l’avortement en dehors des scénarios autorisés verront leur peine de prison augmenter d’un tiers supplémentaire. De plus, il est interdit de donner des drogues/médicaments aux femmes dans le but de provoquer un avortement ; une peine de prison pouvant aller jusqu’à quatre ans est possible (article 251). Cela signifie que tout professionnel qui, dans le cadre de son travail, fournit ou suggère l’utilisation d’un médicament ou d’une drogue à une femme, en lui suggérant ou en lui faisant espérer que cela puisse provoquer un avortement, sera puni d’une peine d’emprisonnement supplémentaire et de la révocation de ses droits en tant que professionnel de santé.

Bien que les dispositions relatives à l’avortement aient été élargies, la règlementation concernant la contraception a été durcie.

Le nouveau Code (article 408) stipule que « Toute personne sans droit qui montre, offre, répand des écrits ou démontre ouvertement comment accéder à des dispositifs contraceptifs à des enfants » peut être condamnée à une amende allant jusqu’à 1 million IDR (64 dollars US). Seuls les « fonctionnaires autorisés » sont habilités à le faire, bien que l’identité de ces fonctionnaires ne soit pas définie. De plus, selon l’article 409, toute personne « sans droit » qui fait de même pour les « outils d’avortement » (pour tout public, pas seulement aux enfants) peut être emprisonnée jusqu’à six mois ou condamnée à une amende allant jusqu’à 10 millions IDR (640 $US). Bien qu’il y ait une exception si le but de cette action est « la connaissance/l’éducation », il est probable que cet article sera interprété de manière large, car la frontière est mince entre fournir des connaissances à quelqu’un et que cette personne agisse en fonction de ces connaissances. Nous pensons qu’il est essentiel que les personnes de tous âges aient accès à des informations sur les contraceptifs et l’avortement.

Les nombreux autres aspects négatifs du nouveau Code pénal.

Des coalitions d’organisations de la société civile, dont la nôtre, luttent contre ces révisions, qui portent atteinte à un large éventail de droits de l’homme, depuis 2017, date à laquelle le premier projet est apparu.

Certains des développements inquiétants incluent la criminalisation des rapports sexuels hors mariage (zina, article 411) et de la cohabitation (arrangements de facto/vivre ensemble pour les couples, article 412). Les parents, les enfants ou les conjoints peuvent déposer des plaintes contre les personnes impliquées. Cela fait courir aux victimes-survivantes de violences sexuelles le risque d’être poursuivies, surtout si elles refusent d’épouser leur violeur (la pression pour le faire est malheureusement courante). Cela augmente également la probabilité d’un mariage forcé pour les jeunes soupçonnés par leur famille d’avoir eu des relations sexuelles avant le mariage.

Et ce n’est pas tout. Les actes publics qui « violent la moralité » sont interdits (article 406), avec la menace d’un an de prison, tout comme les actes similaires réalisés en privé mais sans le consentement des autres personnes présentes. Les personnes LGBTQ+, déjà vulnérables en Indonésie, courent un risque élevé d’être poursuivies en vertu de cet article. Les protestations, les manifestations et les défilés ne peuvent pas être organisés sans en informer au préalable les autorités compétentes (article 256) ; les manifestants qui ne le font pas risquent six mois de prison ou une amende de 10 millions IDR (640 $ US). Quiconque commet des « calomnies » contre les institutions gouvernementales et provoque des « troubles » est passible de trois ans de prison (article 240), même si les notions de « calomnie » et de « troubles » ne sont pas définies dans le Code. Les personnes qui diffusent des idéologies jugées communistes/marxistes-léninistes ou non conformes aux principes fondateurs de la nation, le Pancasila (article 188), peuvent être emprisonnées jusqu’à quatre ans.

La liste est longue. Les articles ci-dessus ne sont que quelques-uns des développements inquiétants du nouveau Code pénal indonésien. Bien que nous reconnaissions l’importance de mettre à jour et de moderniser le Code pénal, et que nous apprécions le renforcement des dispositions relatives à l’avortement, la version 2022 ratifiée ne respecte finalement pas les principes des droits humains et de la démocratie civique.

Par Jakarta Feminist, partenaire bénéficiaire de la SAAF

Photo: Kate Walton

Laisser un commentaire