Dans quelle mesure l’avortement est-il accessible en Bosnie-Herzégovine ? 

L’avortement est accessible sur demande jusqu’à 10 semaines de grossesse en Bosnie-Herzégovine (B&H). Après 10 semaines, il est possible d’y avoir recours avec l’approbation d’un comité. Cependant, nous avons récemment mené des recherches qui montrent que l’accès aux services d’avortement dans le pays est limité à plusieurs égards. 

Nos recherches montrent que les soins liés à l’avortement ne sont pas uniformes. 

Je travaille pour le Sarajevo Open Centre (SOC) – une organisation dédiée aux droits de l’homme en B&H, en particulier aux droits des femmes et des personnes appartenant à la communauté LGBTI. 

Nous savions déjà, de par notre travail, que les soins liés à l’Avortement dans le pays font défaut, mais nous voulions effectuer ce travail de recherche pour en savoir plus sur les pratiques réelles à travers le pays. Malheureusement, les données sur l’avortement en B&H sont peu fiables, incomplètes et ne sont pas conservées au niveau national. 

En 2023, mon équipe et moi avons donc interrogé et sondé le personnel des établissements de santé et des centres de soins, ainsi que 163 personnes ayant eu un avortement. Cette recherche révèle un certain nombre de problèmes d’accès. Par exemple : 

  • L’Avortement pour des raisons non médicales n’est pas couvert par l’assurance maladie et les prix varient énormément d’une région à l’autre ; 
  • Le misoprostol n’est pas homologué, l’avortement médicamenteux est donc rare ; 
  • Certaines cliniques manquent de ressources/personnel et très peu de personnes se voient proposer une aide au counsellingl (seulement 3 % des personnes interrogées) ; 
  • Les médecins peuvent refuser (et refusent) de pratiquer des avortements, et les règles relatives à “l’objection de conscience” ne sont pas uniformes dans les différentes régions du pays. 
Les médecins refusent des soins et stigmatisent les personnes qui souhaitent avorter. 

La loi garantit que toute femme a le droit de décider en toute indépendance d’interrompre sa grossesse jusqu’à la dixième semaine de grossesse, mais dans la pratique, les femmes sont confrontées à des situations dans lesquelles le médecin peut refuser de pratiquer un avortement en invoquant « l’objection de conscience ». Si le médecin décide que la procédure va à l’encontre de ses convictions morales, certains hôpitaux mettent à la disposition de la patiente un autre médecin, d’autres non, et c’est donc aux femmes de se débrouiller par elles-mêmes.  

L’objection de conscience n’est pas un phénomène rare en B&H, elle n’est pas réglementée et il n’existe pas de mécanismes pour punir ceux qui ne font pas leur travail.  

Beaucoup de ceux que nous avons interrogés ont partagé des exemples de traitement empreint de jugement de la part des professionnels de la santé : 

« Le médecin n’était pas aimable, elle a essayé de me convaincre d’être enceinte. Elle n’arrêtait pas de me montrer le cœur. Les mains. Les jambes. Le fœtus. Même si j’ai dit qu’il s’agissait d’une relation abusive. » 

« Un médecin d’un établissement public de santé a refusé de pratiquer un avortement et a fait une objection de conscience, bien que l’avortement soit gratuit dans ma région et couvert par mon assurance. » 

L’assurance maladie ne peut pas être utilisée pour couvrir les frais d’un avortement pratiqué sur demande. 

Bien que l’Avortement sur demande (lorsqu’il n’y a pas de problème médical) soit légal, il n’est pas pris en charge par l’assurance maladie. L’avortement est donc difficile d’accès ou indisponible pour de nombreuses femmes en raison de son coût élevé. Le coût d’un avortement dépend de la procédure et de l’établissement de santé ; il peut donc aller de 100 à 500 BAM (55 à 280 USD). 

Ainsi, une personne qui a de l’argent pourra toujours, d’une manière ou d’une autre, se frayer un chemin dans le labyrinthe administratif et de l’objection de conscience, mais qu’advient-il de celles qui ne peuvent pas, pour diverses raisons, se rendre dans une autre région du pays, qui sont exposées à la diabolisation dans leur environnement parce qu’elles veulent interrompre leur grossesse ? 

L’avortement est une question féministe, ainsi qu’une question de classe. 

Les raisons pour lesquelles une femme veut avorter ne devraient pas intéresser l’État.  

Dans le monde entier, l’Avortement reste un sujet qui va immédiatement créer un débat féroce dans l’espace public, mais les conditions plus larges auxquelles les femmes sont confrontées lorsqu’elles prennent des décisions concernant leur grossesse sont rarement reconnues. En B&H, il y a un manque d’éducation sexuelle, trop peu de jardins d’enfants publics, un taux de chômage élevé et un accès disparate à la contraception. 

Il s’avère qu’il est plus facile de priver les femmes du droit de prendre des décisions concernant leur propre corps que de s’attaquer à ces problèmes plus vastes. L’avortement existera toujours, et ce sont les femmes les plus pauvres qui en souffrent le plus – qui peuvent être amenées à se tourner vers des méthodes d’avortement dangereuses. 

Comment améliorer l’accès aux services d’avortement. 

Nous savons que l’Avortement est sécurisé et qu’il peut changer la vie des femmes. Cependant, il y a encore tellement de stigmatisation et d’incompréhension. Notre but ultime avec ce travail est d’influencer une compréhension plus large de l’avortement comme un soin de santé de base et un droit humain, et de le rendre accessible à toutes les personnes qui en ont besoin. 

Il est encourageant de constater que de nombreuses femmes que nous avons interrogées sont également d’accord : 

« Le droit à l’avortement est un droit fondamental des femmes, tout comme le droit de faire des choix, le droit à une vie digne et libre. Le cadre national doit être basé sur la législation internationale relative à l’avortement. Le personnel médical doit continuellement bénéficier de formations sensibles au genre afin de surmonter les frustrations personnelles et les modèles de comportement patriarcaux dominants. » 

Pour en savoir plus, consultez le rapport de recherche complet ici : https://soc.ba/en/research-on-regulation-availability-and-practice-of-abortion-in-bosnia-and-herzegovina/ (En anglais et en bosniaque) 


Par Delila Hasanbegović Vukas, coordinatrice de programme au Sarajevo Open Centre, un partenaire bénéficiaire du SAAF basé en Bosnie-Herzégovine. 

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